Parce que toute profession dispose de son propre vocabulaire, les
photographes ne font pas exception.
Je me colle donc à l'exercice du lexique, qui loin de tout expliquer, permet
une meilleure compréhension de cet univers (impitoyable...).
Voici donc les coulisses lexicales françaises des professionnels de la
profession.
- Photographe : Le photographe est celui qui « prend » une photographie avec un appareil de prise de vue. Il en est généralement considéré comme l'auteur parce qu'il en construit l'apparence comme tout artiste. Il peut être photographe amateur ou photographe professionnel s'il gagne sa vie avec son art.
- Photojournaliste : Le même, sauf qu'en
théorie il n'est pas auteur, pas amateur, qu'il tente de gagner sa vie et qu'au
lieu de faire de l'art, il transmet de l'information. Son travail est destiné à
être publié dans les journaux, les magazines et maintenant sur Internet. En
bref, c'est un journaliste qui écrit avec son appareil photo.
- Photographe de célébrité : C'est le gars
qui se défend d'être un Paparazzi "parce qu'il ne rentre pas dans la vie
privée des stars, lui". Il ne fait que de l'officiel, du Red Carpet. Le
dimanche il part s’isoler en forêt pour hurler le nom des célébrités qu’il
devra photographier la semaine d’après (un véritable entraînement !). Vous
le croiserez transportant une échelle proportionnelle à sa taille.
- Paparazzi : C'est moralement l'extrême
opposé du "war shooter" mais il dispose d'autant de qualités. Il doit
être patient, calme, réfléchi et méthodique, avoir l'instinct du prédateur, ne
pas avoir de scrupules particuliers. Accrocheur et débrouillard, il risque
aussi sa vie pour une image (si si... testez la confrontation avec le bodyguard
de Beyonce ou le slalom à vélo dans les rues de New York, vous verrez!).
- Boîtier : Pas de photographe sans
boîtier. Dans un groupe de photographe, on se compare les boîtiers, on les
regarde, on les tâte, on en parle, on les caresse, on en prend soin. Le boîtier
est toujours associé à l’optique.
- L’optique : Pas de boîtier sans
optique. Dans un groupe de photographe, on se compare les optiques, on les
regarde, on les tâte, on en parle, on les caresse, on en prend soin. Celui qui
a l’optique la plus longue est très souvent le meilleur photographe du groupe…
uhm… faut que je relise Freud moi !
- Transmettre : Au Moyen Age (années
80) on faisait un rouleau (c'est-à-dire 36 photos ou une pellicule), on donnait
ce rouleau à l’agence et s’était terminé. C’était ça transmettre.
Aujourd’hui, 21ème siècle, on fait des photos (300, 400, 1000 en fonction de la carte mémoire dont on dispose et du sujet), on rentre, on édite les 300, 400 ou 1000 photos (deux heures de boulot), et on les envoie (encore 30 minutes). C’est ça transmettre. Terminer à deux heures du mat’ après 15 heures de boulot. Merci la technologie.
- Plaque : C'est une photo. On dit
"c'est une belle plaque", entendez par là, c'est une bonne image, une
bonne photo. Vestige de l'époque ancestrale ou la pellicule photo était une
plaque de verre ou de métal et faisait 20cm sur 20cm. (truc de dingue!).
- Paru : Phénomène rare et sporadique pour
certains, chose commune et sans saveur pour d'autres, la "paru" ou
parution est une photo publiée dans un journal ou magazine.
- Double : Souvent accompagnée d'un coup de
fil et d'un "bon boulot coco", la double est une photo publiée sur
deux pages centrales dans un magazine.
- Couv’ : Invariablement accompagnée
du « blop » du bouchon de champagne qui vient de sauter, la couv’ est
un peu la consécration du photographe. Quand il fait une couv’, le photographe
devient le Roi du Monde pendant dix minutes. Rien ne peut lui arriver. Sauf en
faire une deuxième.
- Crédit : N’est pas forcément ce que
le photographe fauché demande à son banquier pour acheter un boîtier neuf, mais
plutôt la mention du copyright qui accompagne une photographie dans la presse.
Le crédit se trouve souvent sur le bord de l’image en tout petit à la
perpendiculaire du texte normal. Le crédit force donc tous les photographes du
monde à lire les magazines de travers avec de grosses lunettes et un rictus
tordu.
- Agence photo : Entreprise de presse
fondée pour vendre les images des photographes. Il y a les grosses agences et
les petites. Les Grosses mangent les petites pour grossir encore plus et
devenir invincibles. Les petites prient pour que ça s’arrête !
- Collectif photo : Association de
photographes qui partagent les frais pour faire des photos. Le collectif offre
toujours un regard « décalé », « en marge » et
« analyse » la société contemporaine. Les photographes de collectifs
participent à des expos, des colloques, des meetings et discutent beaucoup de
leurs projets pour les vendre. Ils sont courageux et obstinés.
- Agence filaire : 24/24, 7/7, le fil
de l’info continu. Il y en a trois mondiales, AFP, AP Reuters. Leurs
photographes sont partout, au Liban, en Tchétchénie, à New York, Paris ou
Londres, ils font tout, les jeux Olympiques, les élections, les faits divers.
Tout. Leurs photos sont partout. Partout ! Journaux, Magazines, Hebdo,
Mensuels, Trimestriels. Ces agences ne ratent rien !
- Photocall : Un type, généralement
quelqu'un de connu, arrive devant une forêt d'objectif et se fait hurler dessus
pendant le temps de la prise de vue. Complètement assommé par la violence des
flashs et le beuglement des photographes, le people est souvent évacué par une
PR toute en talon.
- Red Carpet : Synonyme de Photocall, le Red
Carpet est généralement l'évènement le plus couru de la ville, il a lieu avant
un autre évènement (Première ou Gala) et la star se déplace sur une moquette
rouge neuve de 10cm d’épaisseur. Même concept, les stars les plus aguerries
évitent cependant le KO technique et rampent jusqu’aux équipes TV, plus calmes
pour une interview prime time.
- PR : Blonde ou brune, brushée,
perchée sur de hauts talons, un téléphone portable en main, une liste (vide)
dans l’autre. La Public Relation, ou Attachée de Presse est souvent une jeune femme
inexpérimentée ou une femme mûre énervée (car expérimentée). La stratégie de la
PR : faire croire aux photographes qu’ils sont super et qu’elle fait tout
pour les aider sans jamais lever le petit doigt pour eux. Son leitmotiv, sortir
la star de l’enfer du Red Carpet.
- War shooter : Cavalier solitaire à l'image de Mickael Knight dans K2000, le War shooter parcours le monde pour couvrir les conflits qui secouent la planète. Il n'est reconnu que dans les festivals, par les professionels qui se soucient encore de ce que peut être une vraie bonne information.
Il vit des choses incroyables en reportage, du coup la vie normale lui parait parfois un peu fade.
S'il en existe un marié depuis vingt ans avec la même femme ou le même homme, avec deux enfants une belle maison, un chien et une Volvo... eh ben chapeau bas! C'est une espèce en voie de disparition. Et c'est bien dommage.
Commentaires